Athènes à Paris
Chloé Monchalin,
« La Grèce a changé ma façon de voir la cuisine »
A la tête de trois restaurants grecs à Paris : Filakia, le Grand Café d’Athènes et Comme à Athènes, rencontrer la cheffe française Chloé Monchalin était une évidence.
Écrit par Julie-Anne Amiard
30 mars 2023
Avant tout Chloé, est-ce que ça parle fort chez vous aussi ?
Chloé Monchalin. Ça parle assez fort chez nous en effet ! C’est mouvementé, il y a du bruit, de l’ambiance, de la vie, d’autant plus que nous sommes situés dans des quartiers assez vivants, c’est un peu comme à la maison !
Quelle est votre clientèle ?
Des habitués, des gens de tous les milieux notamment au Grand Café d’Athènes, dans le 10e arrondissement, un quartier assez cosmopolite. On reçoit beaucoup de gens de la mode, de la télé, du cinéma. C’est une clientèle très sympathique. On a également pas mal de Grecs, des clients qui nous suivent depuis le début avec l’ouverture de Filakia et qui viennent retrouver un peu la cuisine du pays même si nous proposons une cuisine un peu revisitée, parce que ni mon associé, Benjamin Rousselet, ni moi sommes grecs. Nous proposons notre propre version de la cuisine grecque. C’est du revisité à notre sauce !
Vous avez été formée par les plus grands chefs, racontez-nous votre parcours.
J’ai eu beaucoup de chance en effet. J’ai fait l’institut Paul Bocuse. C’est à cette époque que Cyril Lignac a fait sa première émission « Oui Chef ! » et de là tout a commencé, il y a eu un vrai engouement pour la cuisine. Je ne connaissais personne dans ce milieu-là. J’ai tout découvert. J’ai fait mon premier stage chez Ledoyen avec Christian le Squer, ensuite je suis partie à Londres pour l’ouverture du restaurant de Joël Robuchon, j’ai fait un stage formidable chez Pascal Barbot et ensuite, je suis partie travailler au Lancaster avec Michel Troisgros. De superbes expériences, toutes différentes mais formatrices. Enfin, j’ai eu un poste de cheffe chez Cyril Lignac, dans ses bistrots et là, j’ai vraiment adoré ce style où on fait plus de cuisine, moins d’assemblage.
Vous épousez un Grec, le chef Philip Chronopoulos, vous vous associez avec Benjamin, d’où vous vient cette passion pour le pays ?
J’ai connu Benjamin chez Lignac, c’était mon binôme de travail, on s’entend super bien. Je ne connaissais pas du tout la Grèce avant de rencontrer mon mari. J’y suis allée pour la première fois avec lui, à 20 ans. J’ai découvert Athènes et j’ai été vraiment séduite par cet univers. La Grèce est surprenante, la cuisine est très différente, elle a énormément de caractère. Ma belle-mère cuisine super bien et ça a beaucoup influencé ma propre cuisine. Elle m’a fait découvrir des plats qui ont vraiment changé ma carrière étonnamment comme la Spanakopita, un chausson fourré aux herbes et aux pousses d’épinards, agrémenté de feta et de poivre noir, c’est vraiment mon plat préféré. Il a littéralement changé ma vie ! En plus, elle cuisine avec beaucoup de poivre, ce dont nous n’avons pas l’habitude, les plats prennent une dimension presque mystique, c’est tellement puissant. Et puis, le goût des herbes, celles qu’on ne trouve nulle part ailleurs, des herbes sauvages, tout ça m’a vraiment surprise et je ne l’ai jamais oublié. Ça a changé ma façon de voir la cuisine grecque et la façon dont on pouvait cuisiner.
Quels sentiments vous évoque la Grèce ?
Je m’y sens bien. Il y a une façon de recevoir, les gens mettent les petits plats dans les grands, il y a toujours un côté très élégant dans les dîners, même avec les choses les plus simples. Il y a un art de vivre assez chic que j’aime bien. Les Grecs ont un sens du goût, du style.
Et Athènes ?
C’est une ville que j’aime beaucoup, elle est surprenante, beaucoup de gens peuvent avoir une image assez négative de la capitale alors que moi, au contraire, quand j’y suis allée, j’ai trouvé que c’était une ville étonnamment verte, avec ses orangers. J’ai adoré les cinémas en plein air, au milieu des pins… On se sent bien à Athènes et depuis la crise, je trouve que la nouvelle génération est pleine d’entrain, qu’elle dynamise, modernise la capitale. Il y a une vraie nouvelle vague. Il se passe des choses là-bas. Et puis, les Grecs ont un caractère, comme leur cuisine d’ailleurs. J’aime beaucoup leur positivité.
Quels sont vos quartiers préférés ?
On aime bien se promener autour du mont Lycabette, ou dans le quartier d’Exarchia, populaire et extrêmement sympa. Quand on a la chance de pouvoir prendre des vacances et partir là-bas, on passe beaucoup de temps avec la famille sinon on essaie de se faire des restaurants, on aime beaucoup aller chez Nolan (31, rue Voulis à Athènes, quartier de Syntagma), une cuisine fusion grecque et japonaise, trainer dans les cafés de Kolonaki.
La cuisine grecque c’est beaucoup d’odeurs, de saveurs, de couleurs. Quel plat concentre toutes ces caractéristiques selon vous ?
Le Briam, les Yemistas aussi. Et puis, il y a toutes les salades comme la Dakos que j’adore avec ses tomates râpées, la biscotte Paximadi, les câpres, les olives, en peu de menthe, des oignons rouges, c’est vraiment exceptionnel. La cuisine grecque c’est vraiment une cuisine qu’on prépare, qui cuit longtemps, ça se ressent. Les Grecs ont vraiment cette intention de faire plaisir quand ils reçoivent, c’est assez génial.
Et partir vivre en Grèce, l’idée vous a traversé ?
On a tous des envies d’ailleurs et je n’y échappe pas mais ce n’est pas du tout dans les plans. Si je partais, je crois que j’irais carrément sur une île. J’adore Corfou, j’ai une passion pour Paxos. Je regarde le Maestro sur Netflix, ça me fait trop plaisir, on va sur cette île pratiquement chaque année. On est coupé du monde là-bas, c’est tout petit, j’aimerais bien y avoir une maison. L’été dernier, nous étions à Spetses, des amis à mon mari ont une maison sur l’île. C’est un peu dans le même esprit, c’est tout petit, ultra préservé, assez chic.
Où partez-vous cet été ?
Nous allons un peu à Corfou, un peu à Paxos.
Et votre livre, paru chez Hachette Pratique pour terminer, parlons-en.
Il est sorti pour les fêtes, fin 2022. On est super contents. C’était une belle opportunité pour nous. La collaboration avec Hachette s’est très bien passée, on s’est senti libre sur ce projet. C’était énormément de travail. C’est un peu l’aboutissement de 10 ans de travail parce que ça va faire 10 ans que Filakia a ouvert.
Filakia, le Petit Café d’Athènes, 9 Rue Mandar, Paris 2e. filakia.fr
Le Grand Café d’Athènes, 74 Rue du Faubourg Saint-Denis, Paris 10e. grandcafedathenes.fr
Comme à Athènes, 31 rue Linné, Paris 5e. commeaathenes.fr
Photo d’ouverture © Geraldine Martens. Autres photos : © Sophia van den Hoek – © Marine-Brusson – © Geraldine Martens