
Né en Virginie, aux États-Unis, Yiannis Lucacos a grandi à Athènes avant de retourner en Amérique pour poursuivre ses études. Étudiant brillant en génie mécanique, c’est surtout ses petits boulots dans différents restaurants qui le révèlent. Il s’inscrit au Culinary Institute of America, travaille à l’hôtel Waldorf Astoria et au Park Avenue Café à Manhattan… De retour au pays, Yiannis Lucacos est inépuisable, il travaille chez Boschetto, collabore avec l’école culinaire Le Monde, intègre le groupe Yes Hotels & Restaurants, reçoit le prix Eleftherotypia Gourmet. Il ouvre “Psomi & Alati”, publie deux livres de cuisine, participe en tant que juge à l’émission télévisée MasterChef. Il crée quelques années après le site yiannislucacos.gr, et revient à la télévision en tant que “Dr Cook”. Après de nombreuses autres collaborations, c’est en tant que chef du restaurant Comal que nous le rencontrons.

– Parlez-nous de votre enfance à Athènes, quels sont vos principaux souvenirs, quels sentiments gardez-vous de ces 15 années passées dans le pays ?
Je suis né aux États-Unis de parents grecs qui vivaient et travaillaient là-bas à l’époque. Je suis arrivé en Grèce pour la première fois à l’âge de 2 ans et j’y suis resté jusqu’à ce que je décide de retourner en Amérique pour mes études. Je me souviens des histoires que j’ai entendues enfant de mon père. Il en racontait beaucoup sur la façon dont il avait réussi à passer d’immigrant à restaurateur. C’était magique pour moi d’entendre parler de ces restaurants, dans des endroits lointains, comme Baltimore et Washington DC, les célèbres invités politiques, les repas sophistiqués, les affaires d’un million de dollars réglées dans les restaurants haut de gamme de mon père. Ces histoires m’ont rempli de curiosité et d’admiration pour le monde de la restauration qui est devenu pour moi l’un des attraits de ce métier. L’attraction principale cependant était la cuisine elle-même. Cet amour naissait sans savoir d’où il venait. Tout petit, j’aimais trainer dans la cuisine quand ma mère cuisinait et me mettre en travers de son chemin, désireux d’aider et encore plus, bien sûr, d’essayer toutes les bonnes choses ! J’avais des dizaines de questions auxquelles je n’obtenais aucune réponse et cela mettait en colère ! Je voulais savoir ce qui provoquait ces merveilleuses odeurs, pourquoi nous faisions d’abord une chose puis l’autre… Bien sûr, j’étais un bon mangeur, j’adorais goûter et je ne ratais pas une seule occasion d’apprécier de nouvelles combinaisons qui étaient une source de bonheur pour moi.
Ma mère, quant à elle, n’était pas si heureuse de m’avoir toujours dans les pieds, je lui donnais du fil à retordre ! Nous avons donc conclu un marché. Elle me montrait une recette et je la cuisinais moi-même à un moment où elle n’était pas à la maison. La toute première chose que j’ai faite, à partir de zéro, était une tarte aux pommes à l’américaine. J’ai eu du mal à le faire et en même temps, j’ai réalisé que regarder une autre personne faire quelque chose n’avait rien à voir avec le fait de le faire soi-même. Néanmoins, mon essai a été couronné de succès et la tarte a été très appréciée, ce qui m’a rempli de plaisir. Bien sûr, l’effort a eu un certain coût. Encore aujourd’hui, ma mère adore raconter comment, des semaines après, elle découvrait des petits morceaux de pâte dans les endroits les plus incongrus de la cuisine !

– Alors, au tout début, la cuisine n’était qu’un passe-temps, qu’est-ce qui vous a donné la force de réorienter votre projet professionnel ?
J’ai grandi en Grèce avec la promesse et l’espoir qu’un jour je pourrais retourner dans mon pays de naissance (les États-Unis) pour aller à l’université. Ce rêve de toute une vie s’est réalisé dès que j’ai terminé mes études secondaires et à l’âge de 17 ans, je me suis retrouvé à Minersville, Pennsylvanie, j’ai vécu avec mon oncle et ma tante tout en commençant mon diplôme en génie mécanique. J’avais envisagé de poursuivre une carrière culinaire, mais à l’époque, l’université semblait être une option professionnelle plus sûre. Cependant, mon premier emploi, avant même de commencer les cours, était dans un restaurant grec, à la plonge et en tant que commis. C’était le premier emploi que j’ai occupé dans ma vie. Je ne peux pas dire que j’ai aimé parce que les propriétaires étaient horribles. Ce que j’aimais, par contre, c’était les responsabilités. Cela n’a pas duré car j’ai été viré en une semaine ! J’ai trouvé un emploi dans un fast-food, hot-dogs et hamburgers, appelé “The Coney Island”. Cela a duré pendant mes 2 premières années de collège. Puis, au fur et à mesure que les cours devenaient plus difficiles, je me suis dit que je devais me concentrer sur mes cours. Néanmoins, j’ai continué à aimer cuisiner et je suis ainsi devenu le cuisinier attitré de mes amis ! L’été après l’obtention de mon diplôme, j’ai postulé pour une maîtrise et j’ai décidé de rester au State College et de travailler au lieu de rentrer chez moi en Grèce afin d’économiser de l’argent. J’ai commencé dans un incontournable du State College, “The Waffle Shop”. Là, je faisais des pancakes et des œufs et je me suis préparé comme un diable ! Il n’y avait pas beaucoup de “vraie” cuisine, mais j’ai bien aimé. La fièvre de la cuisine a augmenté alors que le nouveau Food Network avait démarré avec “Emeril” et toutes les autres émissions de l’époque. Je me suis retrouvé à vouloir plus, alors j’ai obtenu un autre travail de cuisine au “Victorian Manor”, un restaurant français.
Ces expériences m’ont forgé la volonté de suivre cette direction dans ma vie et mon envie et devenue ma certitude. Le diplôme d’ingénieur en mécanique que je préparais à l’époque ne me convenait pas vraiment professionnellement. Alors, dès que j’ai terminé mes études, j’ai pris un risque et me suis lancé dans un voyage dans le monde de la cuisine, ce qui a toujours été mon désir.
– Vous décidez de revenir en Grèce après vos expériences new-yorkaises, quel genre de chef êtes-vous à cette époque ?
Après avoir terminé mes études en arts culinaires au CIA, j’ai travaillé au “Waldorf Astoria Hotel” et au “Park Avenue Café” à Manhattan, New York tout en ayant la chance de m’exercer dans de nombreux restaurants importants. Toutes ces expériences se sont révélées déterminantes dans mon parcours.
Après 9 ans loin de chez moi et en connaissant l’environnement difficile de New York, je commençais à me sentir seul et à avoir le mal du pays. Ces sentiments se sont avérés assez forts et j’ai pris la décision de retourner en Grèce. J’ai commencé à travailler dans l’un des meilleurs restaurants d’Athènes, Boschetto, où j’ai rapidement été promu sous-chef. J’accumulais des connaissances et j’améliorais mes compétences en essayant de réaliser mon rêve d’être un jour responsable d’une cuisine de restaurant en tant que chef. Cela incluait, entre autres, de longues heures de travail, d’apprentissage de toutes les postes possibles en cuisine, la gestion de celle-ci lorsque le chef était absent, l’établissement des coûts du menu à l’aide de feuilles de calcul, la saisie des factures pendant mon temps libre… En d’autres termes, je me préparais à être un chef solide puis un restaurateur.


Psomi & Alati – Chalandri
– Vous ouvrez votre premier restaurant, « Psomi & Alati », comment décririez-vous votre cuisine ?
“Psomi & Alati” (qui signifie Pain et Sel en Grec) est mon premier restaurant, ouvert depuis avril 2009. Le restaurant a beaucoup évolué au cours de ces 14 années. A l’époque de son ouverture, la carte était assez simple et s’inspirait de la cuisine traditionnelle grecque qui était présentée de manière plus contemporaine tout en conservant les saveurs profondes qui définissent cette cuisine. Je suppose que nous pourrions, dans les termes d’aujourd’hui, appeler cela une taverne gastronomique.

La chaîne Youtube de Yiannis Lucacos
– En 2010, vous avez été sélectionné parmi de nombreux chefs Grecs pour participer en tant que juge à l’émission télévisée Master Chef puis Junior Master Chef et Master Chef 2, parlez-nous de ces expériences ?
L’émission a été diffusée pour la première fois en Grèce et est devenue un succès instantané. Littéralement du jour au lendemain, moi et les deux autres chefs sommes devenus des célébrités. Mon restaurant, Psomi & Alati, était ouvert depuis un peu plus d’un an et progressait régulièrement, mais je ne m’attendais pas à ce qui allait se passer après la diffusion de l’émission ! Nos lignes téléphoniques ont été saturées pendant des mois et les réservations devaient être faites 2 à 3 semaines à l’avance afin de garantir une table au restaurant qui était toujours bondé. L’émission a été diffusée pendant 3 saisons et a pris fin brusquement en raison de la crise financière du pays à cette époque. Naturellement, tout dans ma vie professionnelle a pris un sérieux coup de fouet après Master Chef. J’ai reçu beaucoup d’amour de la part du public et j’en serai toujours reconnaissant.
Faire partie de productions télévisuelles a été une expérience assez intéressante et précieuse pour moi. Mon amour pour la cuisine m’a ouvert la porte à un tout autre monde qui avait beaucoup à offrir. Cette précieuse expérience m’a permis de commencer à produire mes propres vidéos de cuisine et ensuite de lancer ma propre chaîne Youtube (Yiannis Lucacos). Produire ces vidéos et être en mesure d’offrir de précieux conseils au public ainsi que d’interagir avec eux sur des questions de cuisine est quelque chose que j’apprécie vraiment.

– Cette même année, vous publiez votre premier livre, « Psomi & Alati – The Cookbook », et remportez la distinction du meilleur livre de cuisine de l’année aux Gourmet Awards… Vous avez une bonne étoile Yiannis !
Je suis reconnaissant pour tout ce que j’ai accompli dans ma vie professionnelle, mais sans travail acharné et sans objectifs, il est très peu probable que vous réalisiez de grandes choses. J’étais toujours axé sur mes objectifs et j’avais la discipline et la détermination de travailler dur pour les atteindre et je crois que c’est le facteur déterminant.



– Vous vous lancez un nouveau défi avec Comal, parlez-nous de cette cuisine ?
Comal a ouvert ses portes en juillet 2022. Il s’inspire de la cuisine mexicaine et propose une approche différente de la logique tex mex typique qui prévaut dans la plupart des restaurants mexicains d’Athènes. Comme, malheureusement, moi ou les membres de mon équipe ne sommes pas allés au Mexique, nous n’aspirons pas à reproduire des recettes mexicaines authentiques mais plutôt à créer une expérience inspirée par la mentalité et la culture culinaires du Mexique transcendées par notre propre mentalité culinaire. La cuisine de Comal se caractérise par des matières premières de qualité, de la fraîcheur, de la finesse et des saveurs fortes, associées à des cocktails intéressants et à une atmosphère conviviale.




– Vous semblez être plein d’objectifs, d’idées, quelle est la prochaine étape ?
Ma vie professionnelle a été bien remplie pendant de nombreuses années, et je dois admettre que cela s’est parfois fait au détriment de ma vie personnelle. J’ai l’impression que c’est le moment de réinitialiser les objectifs de ma vie en général et de commencer un nouveau chapitre. Donc, pendant que je réfléchis à cela, professionnellement, je vais me concentrer sur tous les projets en cours, en particulier les plus récents en m’assurant que tout fonctionne correctement.
Comal Restaurant, Eleftheroton Square, Chalandri (next to Psomi & Alati)
(c) Yiannis Lucacos – Paris/Athènes Magazine
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