Athènes à Paris
Arnaud Larher,
« Je sens des ondes très positives à Athènes »
Écrit par Julie-Anne Amiard
26 mai 2023
Artisan pâtissier, MOF, membre Relais Desserts, Chef pâtissier au palace Le Grande Bretagne d’Athènes, depuis sept ans, Arnaud Larher partage son temps entre la France et la Grèce. Rares sont les personnes qui comprennent la ville mieux que lui.
Vous êtes présent à Paris, Tokyo, Marrakech, Dubaï et Athènes, parlez-nous de votre parcours depuis votre Bretagne natale au Grande Bretagne d’Athènes !
Dubaï, ce n’est pas encore fait, il faudra attendre l’année prochaine ! Sinon, j’ai commencé mon apprentissage en Bretagne, à Brest. Je suis monté à Paris pour voir ce qui se faisait à la capitale et je ne suis jamais rentré ! J’ai découvert les belles maisons comme Peltier, Fauchon, Dalloyau. Nous nous sommes installés, ma femme et moi, à Montmartre. Aujourd’hui, nous avons ouvert trois boutiques à Paris et nous sommes une trentaine de personnes ! Nous faisons partie de l’association Relais Desserts qui réunit les meilleurs pâtissiers dans le monde. J’ai également reçu le titre de Meilleur Ouvrier de France en 2007. Ceci résume largement mon parcours !
Cette passion pour la pâtisserie a-t-elle été influencée par votre famille ?
Alors pas du tout ! Je fais partie des exceptions ! Chez moi, personne n’est dans la nourriture et certainement pas dans la gastronomie !
Boutique rue Caulaincourt – Paris 18e
Mais vous ressentiez une attirance, une appétence pour la pâtisserie avant de vous lancer ?
J’ai toujours été plus sucré que salé. Quand j’ai commencé, mon chef me faisait goûter mes créations ce qui me permettait de voir ce dont j’étais capable. Je voulais apprendre la technique, comprendre comment on faisait les choses, comment cela pouvait tenir, tout cela m’intriguer énormément, j’avais tellement soif d’apprendre, je n’ai pas vu les années passer.
Vous êtes donc très présent à l’étranger, avez-vous l’âme voyageuse Arnaud ?
Oui ! Je pense que je connais Roissy Charles-de-Gaulle par cœur !
Et pourquoi n’avez-vous pas de corner au Terminal 2F ? Vous nous manquez !
Je laisse cela aux grandes maisons qui ont envie de travailler 7 jours sur 7, de 8 heures à 23 heures ! Comme je dis, « les pépites ça se cherche et ça ne se met pas partout » !
Ces différents pays influencent-ils vos créations ?
Complétement, c’est une vraie chance. C’est tellement formidable de se perdre dans les marchés, d’aller dans les épiceries, de découvrir d’autres cultures, c’est une richesse extraordinaire. Que ce soit à Marrakech, à Athènes ou à Tokyo, chaque fois, je ramène plein de choses qui ne servent souvent à rien d’ailleurs ! Mais il suffit de trouver un produit qui me parle et là c’est super !
C’est une odeur, une couleur qui retient votre attention ?
Oui, ou quelque chose qui m’intrigue. Et puis, que ce soit à Athènes ou à Tokyo, j’ai pas mal de copains sur place qui me font également découvrir des choses. Dans chaque pays où je travaille, je fais entre 20% et 30% de produits français mais avec des goûts locaux. Les gens apprécient énormément parce que cela prouve que le chef s’intègre, qu’il emmène son savoir-faire mais qu’il apprécie le pays. Je pense que c’est une richesse personnelle indéniable.
Et réciproquement, vous intégrez de l’exotisme dans vos créations françaises à Paris ?
Oui, bien sûr, comme la pâte de sésame noire, avec laquelle je fais un mille-feuilles, des bonbons au chocolat aussi. J’adore, quand je ramène des produits inconnus en France, que mes pâtissiers, mes chocolatiers me demandent « C’est pour faire quoi ça chef ? » et j’aime leur répondre, « mais je n’en sais rien ! » Pour moi, ceux qui savent tout ne sont pas toujours ceux qui avancent. Il faut essayer des choses qui, parfois, ne servent à rien mais qui laisse libre cours à la créativité.
Quelle influence Athènes a-t-elle eu justement sur votre créativité ?
La première chose qui me vient à l’esprit, c’est la pistache. Quand je suis arrivé à Athènes, je me suis rendu-compte que les Grecs mettaient de la pistache partout, de la pistache brute, pas celle que nous avons en France, lissée, polie, lustrée. En Grèce, c’est de la pistache brute, avec la peau, et je me dis que c’est eux qui ont raison. C’est un défaut professionnel français qui nous coûte accessoirement un bras et qui ne sert finalement à rien ! Il y a une vraie culture du fruit sec à Athènes que j’ai souhaité ramener à Paris.
Pour vous avoir interviewé déjà quatre fois pour différents titres, vous entendre parler d’Athènes est toujours très touchant.
Cette capitale où j’aime me perdre dans les rues ! Vous savez, quand des amis viennent à Athènes et qu’ils me demandent où aller, je leur réponds « mais perdez-vous ! » Il faut se perdre dans toutes ses petites rues, regarder les commerces, les épiceries, on y trouve toujours des pépites, des produits du terroir, des produits authentiques. Athènes, c’est l’artisanat, ce n’est absolument pas la surenchère et puis il y a tellement de produits qui viennent des différentes îles, c’est une incroyable richesse. Dans un autre registre, la première chose qui m’a agréablement choqué en visitant les îles, c’est l’absence de panneaux publicitaires ! On ne voit pas Carrefour à 500 mètres, Leclerc ou Jardiland à 1 km ! Cela me rappelle mon enfance quand, petit, avec mes parents, on partait en voiture pour l’Espagne. C’était encore très authentique, il y avait un panneau tous les 50 km, on n’était pas pollué par tout cela, et j’ai retrouvé ce sentiment à Athènes. C’est ressourçant, reposant.
Quel autre mot vous vient spontanément à l’esprit après « authenticité » quand vous pensez à la capitale ?
Bienveillance. Je trouve que les gens sont très avenants, il y a une entraide, je sens des ondes très positives à Athènes. Les gens sont bienveillants. On peut se promener à Athènes en toute sérénité. Je ne me suis jamais senti en insécurité, dans des quartiers où je ne devrais pas être, au contraire. Ça fait partie des rares villes où on peut se perdre. C’est un bonheur qui est rare aujourd’hui.
Vous disiez aimer vous promener, la nuit, après le service. Le faites-vous toujours ?
Oui, toujours ! Et puis, le climat y fait beaucoup, il y a une douceur de vivre indéniable. A Paris, tout est sélectif. Athènes, c’est tout simplement l’inverse de Paris ! Tout ce que je ressens à Athènes, c’est un peu ce qu’on ressentait, en France, il y a quarante ans. Tout se fait simplement, rien n’est compliqué. Et puis, on y mange tellement bien ! On se régale en Grèce.
Un quartier de prédilection ?
Autour de l’hôtel, place Syntagma, où je passe la majorité de mon temps. Sinon, j’accompagne très souvent le chef de l’ambassade de France, dans les hauteurs d’Athènes, c’est vraiment un très bon ami. Il m’a fait connaitre l’ambassadeur, sa femme mais aussi pléthore de chefs grecs. Il connait Athènes comme sa poche, parle grec comme personne ! C’est une personne formidable, il a énormément de talent, un relationnel incroyable. C’est vraiment une chance d’avoir quelqu’un comme lui.
Hôtel Grande Bretagne, place Syntagma
Comment s’est passée cette collaboration avec le Grande Bretagne ?
Ils sont venus me rencontrer et nous nous sommes tout de suite compris. On ne s’est pas vraiment posé de questions. Par rapport à certains autres chefs de palaces français, moi je fais des gâteaux pour les vendre et c’est ce qui a plu. Il ne fallait pas aller trop vite, il fallait prendre le temps de consolider les équipes, de faire comprendre la philosophie du gâteau à la Française, de comprendre les sensations en bouche, les Grecs ne connaissaient pas trop cela !
Les gens se déplacent pour connaître cette touche française, qu’est-ce qui leur plait le plus ?
Les premiers retours sont sur le fait que ce n’est pas sucré ! Et le Grec aime le sucre ! Mais avec la maturité, on se concentre plus sur le produit. Il était temps de proposer des desserts plus digestes, moins sucrés, moins gras, chose que nous tentons également de faire à Paris.
Vous partez où cet été Arnaud ?
Je commence par Séoul, où je vais travailler un peu. Un des plus beaux hôtels m’a demandé de faire une prestation, ma femme va m’accompagner. Ensuite, on revient en France pour faire un trip moto, dans le sud ! En mode biker ! La moto, c’est pour moi la liberté.
Arnaud Larher – Hôtel Grande-Bretagne, 1 Vasileos Georgiou A’ str., Syntagma Square, Athènes.
(c) Arnaud Larher – JAA pour Paris/Athènes Magazine – Hôtel Grande Bretagne